Trésors dévoilés épisode 8 – La femme en raquettes

Coffre au trésor stylisé de couleur verte dans lequel se trouve la feuille d’érable de Bibliothèque et Archives Canada. Des rayons sortent du coffre. L’image porte le numéro 8. 

Dans cet épisode de Trésors dévoilés, l'archiviste de recherche autochtone Elizabeth Montour s'appuie sur ses connaissances et son instinct pour reconstituer l'histoire d'une femme Kanienhkenha:ka qu'elle observe dans une aquarelle du XIXe siècle. En examinant la peinture, Elizabeth imagine ce qu'a pu être la vie de ses ancêtres vivant dans sa ville natale de Kahnawake, à une époque de grande transition.

Durée : 11:10

Taille du fichier : 15.5 Mo Téléchargez MP3

Date de publication : 01 Décembre 2022

  • Transcription de Trésors dévoilés épisode 8

    Théo Martin (TM) : Bienvenue à Découvrez Bibliothèque et Archives Canada : votre histoire, votre patrimoine documentaire. Ici Théo Martin, votre animateur. Joignez-vous à nous pour découvrir les trésors que recèlent nos collections, pour en savoir plus sur nos nombreux services et pour rencontrer les gens qui acquièrent, protègent et font connaître le patrimoine documentaire du Canada.

    Bienvenue à Trésors dévoilés!

    Dans cette série de balados, nous vous présenterons certains objets de la collection de Bibliothèque et Archives Canada, ou BAC. Dans chaque épisode, nous discuterons avec un employé de BAC pour mettre en lumière un élément qui, à son avis, représente un véritable « trésor » de la collection.

    Il peut s’agir de pièces rares, parfois inhabituelles ou précieuses, ou d’articles ayant une importance historique. Peut-être nos experts auront-ils également une histoire intéressante, voire fascinante à vous raconter! Tous mettront certainement en valeur notre vaste et riche collection qui constitue le patrimoine documentaire partagé par tous les Canadiens.

    Et maintenant voici épisode 8, « La femme en raquettes ».

    Elizabeth Montour (EM) : Quand je regarde cette aquarelle, je vois à la fois le passé, le présent et l’avenir de mon peuple. Cette femme évoque la détermination et la dignité. Son village, vers lequel elle marche, est celui où j’habite aujourd’hui. Dans un monde en plein changement, elle est habitée par son instinct de survie, par une mission transformatrice.

    TM : Vous venez d’entendre notre invitée d’aujourd’hui, Elizabeth Montour. Nous lui avons demandé de nous parler d’un trésor de la collection.

    EM : En cherchant du contenu pour notre blogue et notre page Flickr, que je contribue à alimenter, j’utilisais l’outil Recherche dans la collection, dans la catégorie des archives, et je suis tombée sur cette aquarelle. L’image m’est restée en tête... Ça fait deux ans que je travaille ici, et j’y repense souvent. Quand j’ai su que le balado « Trésors dévoilés » se préparait, j’ai eu envie de vous en parler.

    Sur cette aquarelle, on voit une Autochtone qui marche seule, chaussée de raquettes, sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, dans la région de La Prairie. Se dirigeant vers l’ouest, elle quitte Montréal pour rentrer à Kahnawake – enfin, c’est ce que je suppose, parce qu’elle marche dans cette direction.

    Habillée en rouge et bleu, elle porte une tenue hivernale complète qui a l’air faite en laine. Sur l’arrière-plan neigeux se découpent les flèches d’une église, j’imagine que c’est la basilique Notre-Dame du Vieux-Montréal, parce qu’il y a deux tours, mais c’est assez flou. À droite, on voit le pont Victoria, qui a été inauguré dans ces années-là.

    TM : C’est le capitaine Francis George Coleridge qui a peint cette aquarelle, en 1866. Né en 1838, il est membre du 42e Royal Highland Regiment, aussi appelé le Black Watch. Cette compagnie des forces britanniques est postée au Canada de 1864 à 1868 pour combattre les invasions des féniens en Amérique du Nord. Les féniens sont un groupe d’Irlando-Américains qui veut libérer l’Irlande de l’emprise britannique. Leur plan consiste à s’attaquer aux colonies établies en Amérique du Nord pour forcer la Grande-Bretagne à envoyer des troupes outre-mer, ce qui affaiblirait ses effectifs en Irlande.

    Elizabeth, pourriez-vous nous parler un peu de ce Francis George Coleridge?

    EM : Il est considéré comme un artiste amateur. Il produit des œuvres dans le cadre de son service militaire. La collection de BAC en comprend d’ailleurs beaucoup : j’en ai trouvé pas moins de 98! J’en ai regardé plusieurs hier, justement, et je les trouve intéressantes. Cet homme n’est peut-être pas un peintre exceptionnel sur le plan technique, mais ses œuvres nous donnent un aperçu de la vie à Montréal à cette époque.

    À son arrivée au pays, il se déplace sans doute beaucoup, car il fait de beaux tableaux des chutes Montmorency (dans la région de Québec) et de West Point (sur le fleuve Hudson). Il peint aussi les eaux entourant Terre-Neuve à son arrivée. Il se rend près de la rivière Niagara et du lac Ontario, dans la région des Mille Îles du fleuve Saint-Laurent, mais la plupart de ses œuvres sont des représentations de Montréal, et particulièrement des scènes hivernales. Il aime beaucoup illustrer l’hiver dans ses œuvres.

    TM : Sur les quelque 100 aquarelles de Coleridge que compte la collection de BAC, celle de la femme en raquettes est la seule qui représente un personnage autochtone. La majorité de ces œuvres proviennent d’un carnet de croquis que l’artiste utilisait pendant son passage au Canada, et que BAC a acquis en 1983.

    Nous avons demandé à Elizabeth pourquoi cette archive constitue un trésor à ses yeux.

    EM : Cette aquarelle représente les femmes de Kahnawake... mais peut-être aussi toutes les Autochtones qui ont survécu aux périodes de contact, qui ont vécu des transitions, qui ont dû s’adapter et se débrouiller pour survivre... Pour nous, c’était des voyages à Montréal, mais ça pouvait être ailleurs, là où il fallait aller.

    J’imagine que cette femme est sur son retour. Elle ne transporte rien, donc elle avait peut-être apporté de l’artisanat, de la nourriture ou autre chose à troquer en ville. Elle a probablement emprunté le nouveau pont Victoria, parce que c’était le seul moyen de traverser le fleuve autrement que par bateau. Elle ne transporte peut-être que l’argent qu’elle a gagné.

    Elle porte une tenue assez élégante, confectionnée très soigneusement. Lorsqu’on allait en ville, c’était toujours spécial : il n’était pas question d’y aller avec des vêtements de tous les jours, vous savez. Il fallait mettre ses plus belles tenues. Récemment, les choses ont changé, mais c’était comme ça quand j’étais jeune : il fallait s’habiller.

    La femme de l’aquarelle démontre bien ce principe : elle est d’une élégance absolue, même si elle fait de la raquette! D’habitude, quand je vois une archive qui m’intéresse, je l’imprime et je l’affiche près de mon bureau, juste pour l’admirer (rires) et y penser. Je pense à ma famille et à ma communauté, aux épreuves que nous avons traversées sans jamais abandonner, en faisant de notre mieux pour notre peuple et les générations à venir.

    Cette aquarelle montre mon milieu, elle symbolise toute mon enfance au sein de ma communauté et tout ce que j’ai appris sur elle. Elle témoigne de notre lien avec l’île de Montréal, que nous appelons aussi Tio’tia:ke, ce qui signifie « là où les rapides se rencontrent », parce que nous devons traverser le fleuve pour y aller.

    En 1866, les moyens de transport n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui, alors cette femme se déplace à pied, dans sa tenue autochtone traditionnelle.

    TM : Nous avons demandé à Elizabeth si d’autres pensées lui viennent en tête lorsqu’elle regarde ce trésor.

    EM : Je me demande à quoi elle pense. S’inquiète-t-elle de sa survie? A-t-elle des ambitions? Quelles expériences a-t-elle vécues? Est-ce qu’elle faisait souvent ce voyage? Une fois par mois? Peut-être plus ou moins souvent? Est-ce qu’elle a adopté la foi catholique, ce qui expliquerait pourquoi elle vit à Kahnawake? Ou est-ce qu’elle vit selon des pratiques et croyances traditionnelles, même si elle habite sur un territoire évangélisé?

    Les deux scénarios sont possibles. Par exemple, mon père faisait partie d’une mission catholique, tandis que ma mère avait gardé ses croyances traditionnelles. C’est comme ça, à Kahnawake. Ce genre d’images me fait penser aux transitions plus récentes par lesquelles sont passés mes parents et mes grands-parents.

    TM : Pour voir l’aquarelle dont nous venons de parler, cherchez le nom de l’artiste, Francis George Coleridge, avec l’outil Recherche dans la collection de BAC. Vous pouvez également visiter notre page Flickr : vous y trouverez un album intitulé Trésors dévoilés. À chaque épisode, nous y publierons des photos des archives présentées. Vous trouverez un lien vers cet album dans la section Liens connexes de cet épisode.

    Merci d’avoir été des nôtres. Ici Théo Martin, votre animateur. Vous écoutiez « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada – votre fenêtre sur l’histoire, la littérature et la culture canadiennes ». Nous remercions chaleureusement notre invitée d’aujourd’hui, Elizabeth Montour. Merci également à Isabel Larocque pour sa contribution à cet épisode.

    La musique de cet épisode est tirée de la banque Blue Dot Sessions.

    Cet épisode a été conçu, réalisé et monté par David Knox, avec un montage supplémentaire et une conception sonore de Tom Thompson.

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Animateur : Théo Martin, Archiviste, Archives des arts de la scène

Invitée : Elizabeth Montour, Archiviste de recherche autochtone

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