Trésors dévoilés épisode 2 – Le mystère du panotype

Coffre au trésor stylisé de couleur verte dans lequel se trouve la feuille d’érable de Bibliothèque et Archives Canada. Des rayons sortent du coffre. L’image porte le numéro 2.  

Dans cet épisode de Trésors dévoilés, nous recevons Tania Passafiume, restauratrice en chef des documents photographiques à BAC. Tania raconte comment elle a découvert un panotype (une photo obtenue à l’aide d’un procédé ancien très rare) dans la collection de BAC. Elle nous explique ce qu’est un panotype, comment c’est fait et pourquoi cet objet est si particulier.

Durée : 17:09

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Date de publication : 2 septembre 2021

  • Transcription de Trésors dévoilés épisode 2

    Théo Martin (TM) : Bienvenue à Découvrez Bibliothèque et Archives Canada : votre histoire, votre patrimoine documentaire. Ici Théo Martin, votre animateur. Joignez-vous à nous pour découvrir les trésors que recèlent nos collections, pour en savoir plus sur nos nombreux services et pour rencontrer les gens qui acquièrent, protègent et font connaître le patrimoine documentaire du Canada.

    Bienvenue à Trésors dévoilés!

    Dans cette série de balados, nous vous présenterons certains objets de la collection de Bibliothèque et Archives Canada, ou BAC. Dans chaque épisode, nous discuterons avec un employé de BAC pour mettre en lumière un élément qui, à son avis, représente un véritable « trésor » de la collection.

    Il peut s’agir de pièces rares, parfois inhabituelles ou précieuses, ou d’articles ayant une importance historique. Peut-être nos experts auront-ils également une histoire intéressante, voire fascinante à vous raconter! Tous mettront certainement en valeur notre vaste et riche collection qui constitue le patrimoine documentaire partagé par tous les Canadiens.

    Et maintenant, voici l’épisode 2, « Le mystère du panotype ».

    Tania Passafiume (TP) : C’est un objet tout à fait insolite, inédit dans notre collection. À mes yeux, c’est un trésor, car personne ne se doutait qu’on l’avait. Quand on l’a découvert, on était tout excités, et même si on ne sait pas grand-chose à son sujet, ça demeure un trésor, car c’est notre tout premier.

    Bonjour, je m’appelle Tania Passafiume. Je suis restauratrice en chef des documents photographiques à Bibliothèque et Archives Canada, où je travaille depuis janvier 2005.

    TM : Qu’est-ce qu’un panotype, et comment une telle œuvre a-t-elle été découverte à Bibliothèque et Archives Canada? Laissons Tania nous raconter.

    TP : Un panotype est une photographie transférée sur du cuir. Le préfixe pano vient du latin pannos, qui signifie « étoffe ».

    Je vous raconte l’histoire de ma découverte parce que je la trouve très intéressante. Il y a quelques années, je dressais l’inventaire des objets conservés dans des boîtiers. Ça peut être des daguerréotypes, qui sont des photographies sur métal (l’un des premiers types de photographies), ou des ambrotypes, qui sont des photographies sur verre, ou encore des ferrotypes, qui sont en métal. Tous sont scellés dans de magnifiques boîtiers faits de cuir, de papier ou de plastique.

    Bref, je devais répertorier environ 300 objets, et ces objets me PASSIONNENT. Avant mon arrivée à Bibliothèque et Archives, j’ai beaucoup étudié les objets emboîtés. C’est donc une immense joie pour moi de pouvoir examiner tous les nôtres. On y trouve des choses bien intéressantes.

    Dans une de nos boîtes, il y avait six objets, et le dernier me semblait vraiment curieux. Au fil des ans, on en voit de toutes les sortes, et je me suis dit : « Ce n’est ni un daguerréotype, ni un ambrotype, ni un ferrotype. Qu’est-ce que ça peut bien être? »

    Ce qui est intéressant avec la photographie, c’est que les photographes changeaient constamment les procédés. Donc parfois, vous tombez sur des procédés, et vous vous demandez : « Qu’ont-ils fait? Quels produits ont-ils utilisés pour faire cette photo? »

    Quoi qu’il en soit, j’ai remis ce projet à plus tard. J’ai beaucoup de travail. BAC compte 35 millions de documents photographiques, alors j’ai du pain sur la planche. J’ai donc mis ce projet de côté, encore et encore. Et puis, un matin, je me suis dit : « Allons examiner cet objet de plus près. » C’est le portrait d’un jeune homme, assis. J’ai sorti la photo du boîtier. Nous avons des outils spéciaux pour ça, je ne recommande pas de le faire à la maison, mais nous avons cet outil d’aspiration. J’ai retiré la photo, et j’ai vu un bout de papier cartonné au dos. On pouvait y voir un mot incomplet écrit à la main, « H-O-L », avec d’autres mots en dessous. Je n’arrivais pas à les lire, sauf pour le dernier mot, « acide », avec un trait en dessous.

    J’ai pensé : « C’est intéressant. Mais il n’y a pas de scellant ni de ruban. Donc quelqu’un l’a déjà ouvert. » Souvent, on change le contenu des objets emboîtés, parce qu’ils sont plutôt vieux, alors on ne peut pas toujours se fier à ce qu’on y trouve. Mais lui n’était pas scellé. Soit il ne l’a jamais été, soit il n’en restait aucune trace. J’ai donc décidé de retirer ce papier, qui s’est enlevé facilement. C’est là que j’ai vu que c’était du cuir; du cuir brut, pas du cuir traité. J’ai tout de suite su que c’était un panotype. J’en avais déjà vu, mais jamais à BAC, et j’ai trouvé cette découverte vraiment palpitante!

    Je l’ai retourné, puis j’ai enlevé la plaque de verre. Elle était très sale et masquait l’image. J’ai alors découvert un très beau portrait d’un jeune homme, sur du cuir verni (donc brillant) et en très bon état.

    Il a été fait entre 1853 et les années 1880. Nos ouvrages sur la conservation disent que les panotypes bien conservés sont très rares, car le cuir de l’époque était fragile. Je me suis donc renseignée sur les panotypes et j’ai appris qu’ils étaient conçus de la même manière qu’un ambrotype sur verre. Pour faire un ambrotype, on mélange de l’alcool à de l’acide nitrique pour obtenir l’émulsion. Ce qui me ramène au bout de papier sur lequel il était inscrit « H-O-L » : alcool et acide. Peut-être que ce papier a toujours été là, et qu’il fait partie de l’objet.

    J’ai tout de suite envoyé un courriel à tous les archivistes de photographies. Ils ont tous été excités d’apprendre la nouvelle, car ils n’avaient jamais trouvé d’objets comme celui-ci dans la collection. Dans notre système, le panotype avait été enregistré par erreur comme un ambrotype.

    Malheureusement, nous ne connaissons pas l’identité du jeune homme sur la photo. Mais l’image est en excellent état. Comme c’est notre premier panotype, je pense que c’est un grand trésor – et c’est moi qui l’ai trouvé!

    TM : Quelle histoire fascinante!

    Les panotypes sont à la mode de 1853 au début des années 1880. La méthode ressemble à celle utilisée pour les ambrotypes, sauf que le support n’est pas en verre, mais en tissu ou en cuir. Fait intéressant : les panotypes sont réalisés en appliquant sur un ambrotype des gouttes d’une solution d’acide nitrique dilué dans l’alcool. Cela permet au photographe de retirer l’émulsion (qui contient l’image en tant que telle) du support en verre pour la placer sur un nouveau support, par exemple un morceau de cuir.

    TP : C’est un procédé très complexe. Pourtant, des gens l’ont utilisé, j’ai vu des versions modernes. C’est inhabituel, car qui veut une photographie sur du cuir? On se demande pourquoi on en voudrait de nos jours.

    C’est probablement parce que les daguerréotypes se rayent facilement s’ils ne sont pas dans des boîtiers en verre. Quant aux ambrotypes, ils sont sur verre. Leur envoi par la poste pose donc des risques. Les daguerréotypes qui ne sont pas dans leur boîtier peuvent se déformer. Mais dans leur boîtier, ils peuvent être postés sans danger. Les ferrotypes aussi se déforment quand ils sont expédiés sans boîtier, car leur support est en étain. Le cuir, lui, demeure intact. Je pense que c’est pour cette raison qu’ils se sont mis à fabriquer des supports plus flexibles.

    C’est logique, car aujourd’hui, nous utilisons des négatifs en polyester et en nitrate, des supports très flexibles. C’est intéressant de voir que l’histoire de la photographie a commencé comme ça.

    TM : Le procédé photographique appelé panotype est présenté pour la première fois en 1853, à l’Académie des sciences de France, par l’entreprise Wulff & Co, qui vend les explications sur son procédé pour la somme de 100 francs.

    Les panotypes se répandent rapidement. De nombreux photographes professionnels les utilisent dans un contexte commercial, comme en témoignent des annonces et des articles de journaux parvenus jusqu’à nous. À cette époque, les clients s’intéressent à ce procédé parce qu’ils le croient plus durable : il ne se brise pas comme les ambrotypes sur verre, ne s’égratigne pas comme les daguerréotypes et ne se déforme pas comme les ferrotypes.

    Nous ne savons presque rien de la diffusion et de l’utilisation du panotype au Canada. Mais on sait que plusieurs photographes réputés y ont recours, dont George Robinson Fardon, un photographe de Victoria, en Colombie-Britannique, qui a vécu de 1807 à 1886. Son album de photos « Portrait and Views on patent leather » [Portraits et vues sur cuir verni] a été présenté à l’Exposition universelle de 1862 à Londres. Il fait maintenant partie de la collection du Victoria and Albert Museum.

    Tania nous en dit plus long sur les documents photographiques emboîtés qu’elle répertorie au Centre de préservation de BAC à Gatineau, au Québec.

    TP : J’ai commencé il y a quelques années pour mieux connaître notre collection d’objets emboîtés. J’ai découvert que, quand BAC a déménagé dans ce nouveau bâtiment, il y a bien des années, on a fabriqué ces boîtiers pour encastrer des objets. Comme nous sommes ici depuis plus de 20 ans, les boîtiers ne correspondent plus à nos normes. J’ai donc lancé un projet pour mieux entreposer les boîtiers, les daguerréotypes, les ambrotypes et les ferrotypes. J’ai décidé d’en profiter pour examiner ces objets.

    Quelques-uns sont encore scellés avec leur ruban d’origine. Je ne touche pas à ces rubans, même s’ils sont troués ou inutiles, parce qu’ils sont rares. Les conditions de conservation sont exceptionnelles dans nos chambres fortes. En plus, c’est rare que le ruban soit conservé; il est généralement détruit.

    Parfois, la conservation est une question de jugement personnel. Pour ma part, j’aime les marques d’usure sur les objets, ce qui n’est pas toujours le cas des restaurateurs. Par exemple, j’aime le ternissement des daguerréotypes, alors que certains restaurateurs, non.

    Pour en revenir aux objets emboîtés de BAC, j’en ai profité pour nettoyer les plaques de verre, souvent sales. Ce faisant, j’ai examiné tous les boîtiers, qui datent de la même époque. Il y avait des tailles standards, et on pouvait aussi demander une taille particulière. « Je veux cette taille, ce boîtier, ce préservateur, ce passe-partout. »

    Je dois chercher dans les livres qui a fait tel passe-partout ou tel boîtier. Il existe peu de renseignements, mais il y en a tout de même. Les plaques de daguerréotype ont des marques qui permettent de connaître leur lieu de fabrication, même s’ils ont été faits aux États-Unis ou en Europe. Au Canada, c’est intéressant : beaucoup de photographes américains venaient photographier les gens ici. On trouve donc beaucoup plus de renseignements sur les photographes américains.

    Mais bref, je poursuis mon enquête, et l’autre jour, j’ai trouvé un ferrotype qui n’était pas du tout dans la bonne boîte, alors je ne connais pas les données exactes pour l’instant. J’espère les obtenir en dressant l’inventaire. Je veux connaître les différentes tailles que nous avons, et les objets intéressants, comme les panotypes. Parfois, il y a des hellenotypes dans le lot, qui ne devraient pas y être. L’hellenotype est une photographie sur verre qui a été peinte au dos.

    J’ai donc fait des recherches dans notre immense collection. Comme j’ai acquis beaucoup d’expérience avant de venir à BAC, j’ai pensé que je pourrais la mettre à profit pour faire une sorte d’inventaire. Je le fais pendant mes temps libres, car je travaille sur des expositions et d’autres projets de préservation. C’est pour ça que ça prend du temps.

    TM : Pour en savoir plus sur les différents procédés photographiques, comme les panotypes, les daguerréotypes et les ferrotypes, rendez-vous sur Apple Books pour télécharger gratuitement la publication numérique de BAC intitulée Lingua Franca : Un langage commun pour les restaurateurs de documents photographiques.

    Ce livre multimédia, le premier du genre, est disponible en plusieurs langues. Il vise à établir un langage commun pour les professionnels de la restauration photo partout dans le monde. On y trouve les termes les plus fréquents, définis brièvement et illustrés par des photos, des vidéos et des éléments interactifs. Les six chapitres abordent les différents procédés photographiques, les types de problèmes susceptibles d’affecter les photos d’archives, les traitements possibles, les soins préventifs, les techniques pour examiner les photographies et les moyens d’en connaître la provenance. Nous ajouterons un lien vers Lingua Franca dans la section Liens connexes de cet épisode.

    Nous avons demandé à Tania comment ont réagi les autres archivistes photo de BAC quand elle leur a parlé de sa découverte.

    TP : Ils sont venus voir le panotype. Je leur ai envoyé des photos. Ils ont compris à quel point c’était excitant. Certains m’ont demandé de quoi je parlais, mais dès que j’ai dit « panotype », ils ont répondu : « Ah oui, j’en ai déjà entendu parler », et j’ai trouvé ça chouette.

    C’est le portrait d’un beau jeune homme. Malheureusement, on ne sait pas comment ce panotype s’est retrouvé dans la collection. C’est un très bel exemple de panotype très bien conservé. Cette trouvaille m’a donné un nouvel élan pour continuer mon inventaire. J’espère trouver un autre panotype ou un nouveau trésor exceptionnel. On trouve parfois des notes, des bijoux en cheveux et d’autres choses intéressantes cachées derrière les boîtiers. J’étais vraiment contente de trouver ce panotype.

    TM : On découvre rarement des panotypes de nos jours, car leur durée de vie était très courte en raison de leur fragilité. Or, le panotype récemment trouvé par Tania est resté en excellent état grâce à son cuir verni. Seul le verre d’origine, placé dans un passe-partout en cuivre, s’était détérioré. Les restaurateurs ont rapidement réglé ce problème! BAC peut maintenant partager cette découverte avec le public et, qui sait, tenter d’élucider le mystère : qui est l’homme sur la photo, et qui l’a photographié?

    Pour nous aider à y arriver, voyez le compte Flickr de BAC. Vous y trouverez un album d’images intitulé Trésors de la collection. Nous mettrons cet album à jour à chaque nouvel épisode pour que vous ayez la chance de voir les trésors dont nous parlons. Vous trouverez le lien vers l’album Flickr sur la page du balado de BAC.

    Merci d’avoir été des nôtres. Ici Théo Martin, votre animateur. Vous écoutiez « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada – votre fenêtre sur l’histoire, la littérature et la culture canadiennes ». Nous remercions chaleureusement notre invitée d’aujourd’hui, Tania Passafiume.

    La chanson thème de ce balado est tirée de la banque Blue Dot Sessions.

    Cet épisode a été conçu et réalisé par David Knox.

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    Vous trouverez la version anglaise de tous nos épisodes sur notre site Web ainsi que sur Apple Podcasts et Spotify. Il suffit de chercher « Discover Library and Archives Canada ».

    Pour plus d’information sur nos balados, ou si vous avez des questions, des commentaires ou des suggestions, visitez-nous à bac-lac.gc.ca/balados.

Animateur : Théo Martin, archiviste à Bibliothèque et Archives Canada

Invitée : Tania Passafiume, archiviste à Bibliothèque et Archives Canada

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