Protecteurs du Nord : les bandes dessinées au Canada

Adrian Dingle, page couverture, Triumph Adventure Comics, no 2, vers 1941 © Bibliothèque et Archives Canada et Nelvana Limited

L’influence des bandes dessinées sur la culture contemporaine est évidente, mais vous ignoriez peut-être que Bibliothèque et Archives Canada possède une grande collection de BD et de documents semblables. Dans cette émission, deux historiennes de la BD, Hope Nicholson et Rachel Richey, nous parlent de leur travail et de la contribution de BAC. De plus, la bibliothécaire des collections spéciales, Meaghan Scanlon, décrit la collection de BD en détail et présente les ressources offertes en ligne.

Durée : 25:11

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Date de publication : 28 mai 2015

  • Transcription d'épisode 22

    Jessica Ouvrard : Bienvenue à « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada : votre histoire, votre patrimoine documentaire ». Ici, Jessica Ouvrard, votre animatrice. Joignez-vous à nous pour découvrir les trésors dont recèlent nos collections, pour en savoir plus sur nos nombreux services et pour rencontrer les gens qui acquièrent, protègent et font connaître le patrimoine documentaire du Canada.

    L’influence des bandes dessinées, ou BD, sur la culture contemporaine est évidente. Il suffit de regarder les films à succès pour se convaincre que les BD sont là pour rester. Vous ignoriez peut-être que Bibliothèque et Archives Canada possède une grande collection de BD et de documents semblables. Dans cette émission, deux historiennes de la BD, Hope Nicholson et Rachel Richey, nous parlent de leur travail et de la contribution de BAC. Hope et Rachel ont récemment fait partie du top 30 des moins de 30 ans du magazine Flare, un article honorant de jeunes canadiennes exceptionnelles qui changent le monde. Elles ont été récompensées pour leur travail révolutionnaire qui vise à faire connaître l’âge d’or de la bande dessinée. De plus, Meaghan Scanlon, gardienne suprême des livres rares... hmm… bon … ce n’est pas vraiment son titre, mais… la bibliothécaire des collections spéciales, décrit la collection de BD en détail et présente les ressources offertes en ligne.

    Un de nos réalisateurs, Tom Thompson, était récemment de passage à Toronto. Il en a profité pour prendre le micro et interviewer Hope Nicholson et Rachel Richey.

    Tom Thompson : Bonjour Rachel, merci de vous joindre à nous.

    Rachel Richey : Bonjour!

    TT : J’ai appris la grande nouvelle au sujet du magazine Flare. Pouvez-vous nous en dire plus?

    RR : J’ai été très surprise de recevoir le courriel. Flare faisait son tout premier top 30 des moins de 30 ans. Je n’aurais jamais cru que je me retrouverais un jour dans Flare! Surtout pas dans le contexte de ma publication sur des œuvres de l’âge d’or de la BD...

    On nous a fait cet honneur, à Hope et moi, parce que nous avons publié et ré-imprimé la série Nelvana of the Northern Lights; ça nous également permis de donner un avant-goût de certains de nos projets à venir, tels que Brok Windsor et Johnny Canuck.

    C’est extraordinaire; je suis très honorée. En plus, c’est une excellente façon de trouver de nouveaux lecteurs et de faire renaître ces BD-là dans la culture populaire. J’ai l’impression que ça a été tout un parcours, et mon but premier, depuis cinq ou six ans, a été de faire connaître ces séries de BD au grand public; non seulement parce qu'il s'agit de publications qui sont super divertissantes, mais aussi parce qu'elles rappellent l'importance de l'histoire de la bande dessinée chez nous. C’est l’occasion rêvée d'atteindre encore plus de Canadiens.

    TT : J’ai entendu dire que votre campagne sur Kickstarter pour ramener Nelvana a été un grand succès?

    RR : Tout à fait.

    TT : Pourquoi c’était si important à votre avis?

    RR : Nelvana est un personnage important pour plusieurs raisons. Elle est d'une complexité surprenante; Certains auditeurs sauront peut-être qu’elle est mi-déesse, mi-Inuite. C’est la toute première grande superhéroïne de bandes dessinées.

    TT : Impressionnant.

    RR : Oui, très impressionant. Elle est apparue avant Wonder Woman.

    TT : Wow.

    RR : En effet! De plus, elle est de création canadienne, et elle est très puissante. Elle fait de l’ombre à plusieurs héroïnes de bandes dessinées de son époque.

    Il faut aussi reconnaitre le talent remarquable de l'artiste Adrian Dingle. Il a longtemps œuvré dans le dessin commercial avant de se lancer dans la BD. Il a contribué énormément à l'art et à la texture d'une forme d'expression artistique et littéraire qui, à son époque, en était encore à ses balbutiements. Nelvana est splendide.

    JO : Tom a discuté des origines de Nelvana avec Hope Nicholson.

    TT : D’où est venue l’idée du personnage de Nelvana?

    Hope Nicholson : Nelvana of the Northern Lights est inspirée d’une femme inuite qui s’appelle Nelvana, mais j’ai récemment appris que ça ne se prononce pas Nelvana.

    TT : Ah?

    HN : Il faut dire Nelv-ana.

    TT : Je vois.

    HN : L’idée pourrait venir d’une des deux femmes qui portaient ce nom et vivaient à Coppermine, dans les Territoires du Nord-Ouest, dans les années 1930. On n’est pas sûr de savoir c’est laquelle, mais j’ai rencontré la petite-fille d’une d’entre elles qui s’appelle aussi Nelvana…

    TT : Oh wow!

    HN : C’est ainsi qu’on donne les noms dans la tradition inuite. C’est elle qui m’a dit qu’on prononçait Nelv-ana. Une des Nelvana s’appelait Connie, une femme qui respectait beaucoup les traditions. Elle faisait de l’art et de la sculpture, apprêtait le caribou à la manière traditionnelle, etc. Je n’en sais pas beaucoup à son sujet, mais j’ai parlé pas mal avec son petit-fils et il m’a donné des renseignements. C’est fort probablement elle qui a inspiré la bande dessinée, parce qu’à cette époque-là, l’artiste Franz Johnston – un membre du Groupe des Sept – voyageait aux Territoires du Nord-Ouest et a rencontré une femme de l’Arctique qui s’appelait Nelvana.

    TT : Wow.

    HN : Il l’a prise en photo et en a fait des portraits, mais tout a malheureusement disparu. Je pense que c’est Connie et non Cecile (l’autre Nelvana), parce que Connie avait un enfant à l’époque, ce qui correspondrait au surnom que lui a donné Franz Johnston, mais ça, c’est une autre histoire. Franz Johnston est revenu à Toronto, a parlé de la femme exceptionnelle qu’il a rencontrée à Adrian Dingle, et Dingle en a fait une superhéroïne.

    TT : Et qu’est-ce qui fait de Nelvana une superhéroïne typiquement canadienne?

    HN : Il y a beaucoup de choses. Ses pouvoirs viennent des aurores boréales et elle entretient des liens étroits avec les peuples arctiques, qu’elle est chargée de protéger et de guider. Dans certaines des dernières histoires, ça devient malheureusement un problème. Ses pouvoirs lui permettent aussi de commander aux ours polaires et de s’en servir comme monture pour combattre. Et son meilleur ami est un agent de la police montée.

    TT : Très intéressant.

    HN : Elle voyage partout au Canada et se lance dans toutes sortes d’aventures. C’est vraiment le fun.

    TT : Bien. Pourquoi pensez-vous que le support parvient à survivre à l’ère des médias numériques? Quelles sont les caractéristiques des bandes dessinées papier qui leur permettent de durer?

    HN : Une des principales raisons, je pense, c’est qu’elles sont jetables. Elles sont très minces, faciles à transporter et imprimées sur du papier glacé qui fait ressortir les couleurs. Elles ont aussi une texture qu’il est impossible de reproduire sur un appareil numérique. Je peux enregistrer beaucoup plus de BD sur un Kindle ou un autre appareil, mais c’est difficile, parce qu’on ne veut pas faire un zoom sur chaque case. Quand on lit une bande dessinée, les yeux veulent parcourir la page, parfois vers le haut, parfois vers le bas, mais ce n’est pas facile sur un très petit appareil. C’est donc un support très différent des livres, qui sont lus de façon linéaire. Il y a du contenu partout; les yeux vont là où l’artiste les guide, ou là où ils veulent aller.

    TT : C’est très intéressant. J’imagine que l’interprétation peut varier si vous laissez vos yeux prendre de l’avance. C’est une bonne distinction, on ne peut pas faire ça avec un livre normal, je suppose.

    HN : Pas du tout. Beaucoup d’artistes en profitent d’ailleurs. Ils savent que, quand vous tournez la page, vous pouvez voir la dernière rangée par accident. Les artistes en profitent souvent, par exemple pour répéter des images ou des trucs comme ça. C’est un support passionnant, bien des personnes ne réalisent pas qu’il y a beaucoup de nuances et que la BD est très différente de tous les autres supports.

    TT : Pensez-vous que c’est inspirant pour les gens, d’oublier la vie quotidienne et de se mettre dans la peau d’un superhéros pendant un instant?

    HN : Je suppose que oui. En tout cas, j’aimais beaucoup les superhéros quand j’étais petite, surtout ceux qui ont aussi une vie personnelle. Le plus connu est sans doute Peter Parker et Spiderman, parce qu’on le voit faire des choses normales, aller à l’école, être un rat de bibliothèque qui se fait intimider, puis il se transforme pour vivre de grandes aventures. Je n’ai jamais aimé Spiderman, personnellement, parce quand j’étais petite, il vivait des aventures avec des clones, c’étaient des concepts très élaborés. Mais je lisais beaucoup sur Dazzler, une chanteuse qui mène une vie difficile le jour et qui se fait entraîner par hasard dans des aventures de superhéroïne la nuit, au point de devenir amie avec les Avengers et les X-Men. Pourtant, elle garde son emploi de jour. J’avais beaucoup de plaisir. Alors oui, je crois qu’on veut se reconnaître dans les superhéros, mais qu’on veut aussi être ancré dans une réalité et avoir une sorte de relation humaine avec le personnage.

    TT : C’est logique, ça expliquerait pourquoi Peter Parker alias Spiderman est si populaire. On peut facilement s’identifier, je pense.

    HN : On le voit aussi avec des personnages populaires comme Kamala Khan, la nouvelle Miss Marvel, car ce n’est pas tout le monde qui se retrouve dans Peter Parker. Il y a des femmes, des musulmans ou des homosexuels, et eux aussi doivent se retrouver dans les personnages de bandes dessinées. C’était bien quand les X-Men faisaient allusion à des crises d’identité raciales et sexuelles chez les mutants, mais il vient un temps où les caractéristiques des personnages doivent se manifester dans le vrai monde.

    TT : Exact.

    JO : Tom et Rachel Richey ont discuté du rôle joué par BAC dans la republication de Nelvana of the Northern Lights et d’autres BD.

    TT : Est-ce que vous avez beaucoup utilisé la collection de Bibliothèque et Archives Canada pour votre projet?

    RR : On ne l'a pas beaucoup utilisée pour Nelvana parce que c’était plus facile d’obtenir les numéros auprès de collections privées qui, très souvent, se trouvaient dans la région. On nous a envoyé beaucoup de BDs numérisées. Nous avons quelques reproductions en provenance de Bibliothèque et Archives Canada, mais elles nous ont plutôt servi pour d’autres projets.

    J'entrevois plusieurs livres à l'avenir. Bibliothèque et Archives Canada m'a été très utile pour ma recherche sur Johnny Canuck, et elle sera ma source première pour Mr. Monster, Thunderfist et The Brain. Il y a tellement de personnages que je tiens à explorer, tels que Polka Dot Pirate et la collection complète de Wing. Je dépendrai beaucoup de Bibliothèque et Archives.

    TT : Avez-vous eu des surprises en fouillant la collection de Bibliothèque et Archives Canada? Avez-vous été impressionnée par son ampleur?

    RR : Oh oui! J’ai toujours aimé l’école - j'aime tellement apprendre! Ce besoin ne me quittera jamais.

    TT : Moi aussi.

    RR : C'est d'ailleurs pourquoi j'ai tant aimé mon emploi à Bibliothèque et Archives Canada; on m'avait embauché pour faire des recherches dans la collection. J'avais l'impression d'être payée pour faire tout ce que j'aimais faire l’école!

    TT : C’est pareil dans mon emploi.

    RR : Alors vous comprenez bien ce que je veux dire. J’avais tous les avantages de l’école sans les inconvénients : pas de devoirs à faire, ni de notes à obtenir, et en plus, j’étais payée!

    Je n’aurai probablement jamais un meilleur emploi de toute ma carrière. La collection est absolument formidable : elle commence avec l’âge d’or de la BD et se rend jusqu’au début des années 2000; on y retrouve tout ce qu'on pourrait vouloir sur toutes les époques de la BD. Il y a le boom du noir et blanc à la fin des années 80, des tas de livres publiés par les auteurs, des séries presque complètes de l’âge d’or de la bande dessinée, des magazines de science-fiction des années 70, les premiers livres de Captain Canuck, des tonnes de Cerebus… c’est une collection extraordinaire! Vraiment, super extraordinaire.

    JO : Nous avons demandé à la bibliothécaire des collections spéciales de Bibliothèque et Archives Canada, Meaghan Scanlon, de nous parler des ressources sur les bandes dessinées qui sont disponibles à BAC et en ligne.

    Meaghan Scanlon : BAC a une grande collection de BD. Ou plutôt des collections, car il y en a plusieurs, dont deux qui ont été données à BAC sous forme de collections spéciales. BAC les traite donc différemment. La première est la collection spéciale Bell Features, qui comprend 382 bandes dessinées canadiennes publiées au début des années 1940 par Bell Features, un des plus grands éditeurs de BD canadiennes pendant la Deuxième Guerre mondiale. C’était les archives des publications de Bell Features, alors la collection est assez complète et entièrement cataloguée. Si vous cherchez la collection Bell Features dans le catalogue électronique, vous trouverez un document qui fournit tous les titres. La seconde collection spéciale de BAC est la collection de bandes dessinées canadiennes John Bell. C’est notre plus grande collection, et, à ma connaissance, c’est la seule collection appartenant à une bibliothèque de recherche qui est consacrée aux bandes dessinées canadiennes. Elle compte environ 5 000 BD en français et en anglais, et quelques-unes en inuktitut et dans d’autres langues. Il y a une vaste gamme de documents, surtout des BD publiées par des éditeurs canadiens, mais aussi des bandes dessinées et des magazines publiés par les auteurs, des BD écrites par des Canadiens mais publiées à l’étranger, et des documents éphémères comme des bandes dessinées pédagogiques publiées par les gouvernements provinciaux et fédéral, ou des bandes dessinées publicitaires de magasins et de restaurant. C’est comme…

    JO : Un large éventail…

    MS : Oui, c’est très intéressant. Cette collection n’est malheureusement pas cataloguée, mais on a une liste complète. En plus des deux collections spéciales, des BD publiées au Canada sont réparties dans les fonds de publications générales de BAC parce qu’elles ont été acquises grâce au dépôt légal au fil des ans. Le dépôt légal est le principal mécanisme de BAC pour recueillir des documents publiés. La loi oblige tous les éditeurs canadiens à remettre deux exemplaires de toutes leurs publications à BAC, alors en principe, on reçoit toutes les BD publiées par des éditeurs canadiens. Ça comprend les romans illustrés publiés de grands éditeurs et les BD publiées par des éditeurs spécialisés dans le domaine. Il n’y a pas de guide sur ces collections, mais elles sont cataloguées et mises à la disposition des chercheurs. Il suffit de chercher le titre dans notre catalogue.

    JO : Donc, les BD sont dispersées dans la collection.

    MS : C’est ça, elles ne sont pas regroupées; ce n’est pas une collection autonome.

    JO : Est-ce qu’il y a un système de vedettes-matière?

    MS : Je ne suis pas sûre qu’elles en ont toutes. J’imagine que vous auriez beaucoup de résultats, mais pas tous, en cherchant « bandes dessinées canadiennes ».

    JO : En plus de la grande collection de BD, quelles sont les ressources offertes par BAC?

    MS : On a pas mal d’œuvres originales. Par exemple, la collection Bell Features venait avec des documents d’archives. Il y a des documents d’affaires textuels de Bell Features et des œuvres originales. On a aussi des œuvres originales de la série Captain Canuck écrite par Richard Comely. Je pense qu’elles ont été publiées dans les années 70. On a des originaux de la série Angloman de Mark Shainblum et Gabriel Morrissette. John Bell, qui a donné sa collection de BD, a aussi fait don d’œuvres originales et de documents éphémères, des publicités sur les bandes dessinées recueillies pendant plusieurs années. Évidemment, BAC reçoit tous les livres publiés au Canada au moyen du dépôt légal, comme je l’ai dit tantôt. On a donc des livres sur les bandes dessinées canadiennes. John Bell en a écrit deux, dont Canuck Comics, qui a été publié en 1986. C’est un catalogue accompagné de quelques articles sur l’histoire de la BD canadienne. Je pense qu’il a dressé son catalogue pendant qu’il constituait sa collection, donc la plupart des BD mentionnées dans le catalogue se trouvent dans la collection John Bell, qui appartient maintenant à BAC. C’est une très bonne ressource. Il a écrit un ouvrage intitulé Invaders from the North, publié en 2006. C’est une histoire de la BD canadienne qui est surtout axée sur le Canada anglais, mais c’est une excellente ressource ça aussi. BAC a aussi deux sites Web sur les BD canadiennes. Le premier s’appelle Au-delà de l’humour : L’histoire de la bande dessinée au Canada anglais et au Québec. Ce site-là a une section consacrée à la BD française. Elle a été écrite par Michel Viau, un expert en la matière. Le deuxième site Web de BAC s’appelle Protecteurs du Nord; c’est un site sur le superhéros national dans la bande dessinée canadienne. Il s’inspire d’une exposition montée par John Bell au Musée canadien de la caricature, en 1992. Il y a aussi un catalogue d’exposition physique, également appelé Protecteurs du Nord, qui se trouve dans notre collection en français et en anglais.

    JO : Voici maintenant la suite de la conversation entre Tom et Rachel Richey.

    TT : Pourquoi c’est important que Bibliothèque et Archives Canada conserve une collection de BD?

    RR : Parce que la BD fait partie de la culture populaire. La culture populaire est souvent dénigrée parce qu’elle est jugée superficielle et sans valeur du point de vue intellectuel. Mais ça touche le peuple, et qu’on le veuille ou non, c’est ce que les gens veulent lire dans la vie quotidienne. C’est pour ça que les bandes dessinées des années 40 valent des milliers de dollars : les gens de l’époque croyaient que c’était inutile et voulaient les jeter. Mais 70 ans plus tard, c’est une chose que j’aimerais lire et avoir en ma possession. Alors c’est très important que Bibliothèque et Archives conserve une collection qui est accessible au public.

    Je mentionnais tantôt des œuvres publiées par des auteurs; qu'il parle de superhéros ou d'autre chose, ce genre de matériel vient bien du peuple, de la base, mais il y en a une multitude! Il y a facilement plus de 600 ou 700 petits éditeurs indépendants de fanzines. Des Canadiens, des particuliers, créent des bandes dessinées parce qu’ils aiment leurs histoires, ils aiment le processus créatif. On voit là un échantillon parfait d’une culture canadienne qui ne se trouve pas dans les magazines, et ça, c’est très important.

    TT : Oui, ce sont des documents qui révèlent les préoccupations de l’époque, les peurs, des choses comme ça.

    RR : Exactement. C’est ce que je veux dire quand je parle de la base, du peuple : ce sont des sources primaires qui en révèlent presqu'autant que des entrevues. Vous en avez de tout le monde. Ce sont des documents précieux qui ont besoin et qui méritent d’être protégés. La culture populaire n’est pas toujours aussi bien préservée ailleurs dans le monde, donc c'est encore plus important qu'on le fasse ici.

    JO : Hope Nicholson nous parle de certains projets.

    TT : Quels sont vos projets en ce moment?

    HN : Je travaille sur Brok Windsor. Il est chez l’imprimeur en ce moment. C’est une autre BD des années 40 imprimée au Canada, quelques années après Nelvana. Le créateur de Brok Windsor est un artiste de Winnipeg qui est déménagé à Vancouver. Il a ensuite créé Brok Windsor, une sorte de médecin aventurier qui se perd dans le brouillard, au milieu du lac des bois, et arrive dans une terre magique où tout est gigantesque. La technologie est avancée. Ce sont tous des Autochtones, ce qu’on voit rarement dans les BD de l’époque, et même encore aujourd’hui. C’est quand même très stéréotypé. C’est un peu pour ça que j’ai un autre projet, Moonshot. C’est une collection de BD indigènes qui s’intéressent à diverses identités et communautés du Canada et des États-Unis. Elle raconte des histoires fantastiques, mais elle montre aussi de petites traditions que les gens connaissent peu.

    TT : J’ai entendu parler d’un projet ultra-secret avec Margaret Atwood. Avez-vous le droit de nous en parler un peu?

    HN : Je peux vous dire que je travaille à un projet ultra-secret avec Margaret Atwood, mais je ne sais pas ce qu’elle veut que je dise pour le moment, alors je vais m’abstenir. Je peux dire que ça avance bien. Je suis très enthousiaste, évidemment. Je n’ai jamais rien fait de semblable, et quand elle a pris contact avec moi, j’étais abasourdie. Ça m’arrive encore d’en douter. Il faut que je regarde mes courriels pour me convaincre que…

    TT : C’est bien réel?

    HN : Une fois, je suis allée la rencontrer pour discuter du projet, mais elle n’était pas là, car une personne avait entré la mauvaise date dans son calendrier. Je me suis dit, bon, quelqu’un a une fausse adresse courriel et me joue des tours. Je me suis quand même présentée le lendemain parce qu’elle m’a envoyé un courriel pour me donner rendez-vous. Cette fois, elle était là, et j’ai vu que je n’avais pas été arnaquée.

    TT : Quelle histoire!

    JO : Tom a demandé à Rachel Richey d’expliquer la grande réussite de la campagne de republication de Nelvana of the Northern Lights.

    RR : Pour Nelvana, nous avons demandé 25 000 $ sur Kickstarter, et j'étais certaine qu'on allait réussir. Quelqu'un était prêt à nous soutenir si ça ne fonctionnait pas, mais je misais quand même à ce qu'on atteigne le 25,000 avant la fin de la période de 30 jours.

    Finalement, on a amassé 25 000 $ avant même de faire le lancement! Ça a pris cinq jours. Nelvanaa explosé. Les femmes, surtout dans la culture de la BD, cherchent désespérément un ensemble de personnages féminins de qualité. Maintenant, il y en a plus que jamais : Thor féminine, Miss Marvel, Squirrel Girl, et j'en passe. Il y en a plein, c’est une culture en pleine expansion. Le lectorat féminin est un des plus fidèles. Notre objectif Kickstarter a non seulement été atteint en cinq jours, mais il a doublé. On a doublé notre objectif en moins d'un mois! C’était rassurant de voir qu'il y avait tant d'intérêt.

    TT : Ça suffit à prouver l’importance du projet.

    RR : Oui, c’est une confirmation immédiate. Je n’aurais pas pu demander mieux.

    TT : Ça devait être excitant.

    RR : C’était très excitant. Je pense qu’on a recueilli 5 000 $ dans les premières heures. Je n’en revenais pas, je ne pouvais pas y croire. On allait faire un lancement au Silver Snail pour attirer l’attention des amateurs de BD locaux. Mais une demi-heure avant la fête, on a atteint notre objectif de 25,000$; le lancement s'est transformé en célébration de notre succès. C’était très surprenant.

    C'était la même chose pour Johnny Canuck : on a demandé 23 000 $ pour le publier et le distribuer, et on a reçu 31 000 $. Notre prochaine campagne sera pour Mr. Monster; c’est un livre beaucoup plus petit, donc j’espère qu'on n'aura pas à demander autant d'argent. Je m'attends quand même à ce qu'il soit populaire, parce qu'une réadaptation qui en avait été fait par un artiste américain dans les années 80 a connu beaucoup de succès à l'époque. Je crois qu'il va très bien réussir; les gens en demandent encore plus. Ces BDs sont vraiment une richesse infinie.

    TT : J’ai l’impression que vous allez travailler dans ce domaine-là longtemps.

    RR : Oui, je suis très engagée. J’ai l’impression de faire mon devoir de citoyenne. J'aimerais tout de même prendre ma retraite intellectuelle un jour, et prendre le temps de lire des BDs. Mais c’est sûr qu’au cours des deux ou trois prochaines années, je vais au moins publier les plus populaires. C'est facile de déterminer quelles BDs étaient les plus populaires à leur époque, donc je me concentre sur celles qui connaîtront un succès semblable dans la culture d'aujourd'hui. Je veux faire renaître Major DomoetJojo, et Polka-Dot Pirate (qui est un autre très bon personnage féminin qui aura son petit livre à elle). Il y a aussi Rex Baxter, une sorte de héros de science-fiction qui est super fantastique. Et Thunderfist, qui est tout à fait formidable. Je me rappelle de deux de ses pages couvertures, une sur laquelle il combat un robot, et sur l’autre, il combat des dinosaures. C’est lui qui sera mon prochain projet après Mr. Monster. Les bandes dessinées sont si bonnes, je ne peux même pas décrire à quel point elles sont extraordinaires. Je sais ce que je fais, et c’est bien d’avoir un plan bien établi.

    JO : Pour en savoir plus sur les bandes dessinées au Canada, rendez-nous visite en ligne sur le site collectionscanada.gc.ca/bandes-dessinees. N’oubliez pas de consulter notre blogue, ledecoublogue.com, pour découvrir d’autre contenu. Pour trouver ce contenu rapidement, cliquez sur « Littérature » dans la liste des catégories, à la droite de la page Web.

    Merci d’avoir été des nôtres. Ici Jessica Ouvrard, votre animatrice. Vous écoutiez « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada — votre fenêtre sur l’histoire, la littérature et la culture canadiennes ». Je remercie nos invités d’aujourd’hui, Rachel Richey, Hope Nicholson et Meaghan Scanlon.

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