Le projet nous nous souviendrons d'eux

Une peinture représentant des coquelicots poussant dans les tranchées de la Somme

Depuis 2001, Bibliothèque et Archives Canada contribue à créer un lien entre les jeunes et l'histoire canadienne en donnant accès à des dossiers de service militaire sur place ou en ligne. Chaque année, au jour du Souvenir, nous pensons aux sacrifices qu'ont faits nos vétérans pour protéger nos valeurs et nos libertés. Et quoi de mieux, pour reconnaître le dévouement de ces hommes et de ces femmes, que de donner un nouveau souffle à leur histoire? Dans cet épisode, nous discutons avec Kyle Browness, gestionnaire de projet. Nous discuterons de l’expansion du projet à travers le pays et de la façon dont les professeurs, les étudiants et les Canadiens peuvent y participer.

Durée : 28:59

Taille du fichier : 23,5 Mo Téléchargez MP3

Date de publication : 28 mars 2012

  • Transcription d'épisode 2
    Le projet nous nous souviendrons d'eux

    Angèle Alain : Bienvenue à Découvrez Bibliothèque et Archives Canada : Votre Histoire, Votre patrimoine documentaire. Ici Angèle Alain, votre animatrice. Joignez-vous à nous pour découvrir les trésors que recèlent nos chambres fortes, pour en savoir plus sur nos nombreux services et pour rencontrer les gens qui acquièrent, protègent et font connaître le patrimoine documentaire du Canada.

    La plupart des Canadiens sont au fait de la participation du Canada à la Première Guerre mondiale et à la Deuxième Guerre mondiale, mais saviez-vous que beaucoup de dossiers personnels de militaires canadiens sont accessibles au public? Chaque année, lors du jour du Souvenir, les Canadiens ont une pensée pour nos anciens combattants et les sacrifices qu'ils ont faits dans le but de préserver nos valeurs et notre liberté. N'y a-t-il pas plus belle façon de reconnaître les sacrifices de ces hommes et de ces femmes qu'en faisant revivre l'histoire de ceux et de celles qui nous ont quittés il y a déjà longtemps. Les dossiers de service permettent aux Canadiens de se familiariser avec des expériences vécues durant la guerre par l'entremise d'une personne, nous rappelant ainsi le coût humain de la guerre.

    Depuis 2001, Bibliothèque et Archives Canada (BAC) travaille en collaboration avec le fondateur du projet Nous nous souviendrons d'eux, Blake Seward. Grâce à ce projet, les jeunes ont la possibilité de consulter des dossiers de service de Canadiens qui ont servi durant la Première Guerre mondiale ou la Deuxième Guerre mondiale. Le projet Nous nous souviendrons d'eux fait le lien entre les jeunes et l'histoire militaire du Canada, leur permettant de faire revivre des récits depuis longtemps oubliés mettant en vedette nos anciens combattants.

    Aujourd'hui, nous nous entretenons avec le gestionnaire de projet, Kyle Browness. Il nous parlera du projet, de sa diffusion aux quatre coins du pays et de la participation des enseignants, des élèves et de la population canadienne en général. Bonjour Kyle.

    Kyle Browness
    : Bonjour.
     
    AA : Merci de vous joindre à nous aujourd'hui.

    KB : C'est un véritable plaisir!

    AA : Pouvez-vous nous dire en quoi consiste le projet Nous nous souviendrons d'eux?

    KB : Bien, vous savez, le projet Nous nous souviendrons d'eux est sans contredit une expérience à part. En guise de résumé, je dirais que les élèves de niveau secondaire et leurs enseignants consultent des sources primaires et il s'agit, dans notre cas, des dossiers de service militaire conservés à BAC. Ainsi, ils explorent la vie d'infirmières et de soldats canadiens qui ont pris part à la Première Guerre mondiale ou encore qui ont été tués au combat durant la Deuxième Guerre mondiale. Ces ateliers, bien entendu, sont ouverts aux jeunes de tout âge, mais habituellement aux élèves de Secondaire 4 et 5. Vous savez, c'est vraiment fantastique parce que des ateliers se donnent partout au pays en ce moment et nous avons la chance d'avoir un réseau national de partenaires. De nombreuses possibilités s'offrent donc aux enseignants.

    AA : Et, quelle a été votre participation au projet?

    KB : Bien, à mes débuts, j'ai travaillé à développer des ententes avec certains de nos partenaires. Nous avons donc des ententes avec le Musée canadien de la guerre et avec des bibliothèques publiques dans tout le Canada.

    AA : Par conséquent, vous avez été témoin de la progression du projet au fil des ans?

    KB : C'est vrai, c'est plutôt impressionnant. Je sais que le projet a vu le jour en 2001 et, à l'époque, nous offrions beaucoup d'ateliers ici, à BAC, mais vous savez, de nombreux Canadiens ne pouvaient pas se rendre à Ottawa. Nous avons aussi constaté qu'un grand nombre des personnes qui venaient ici, à Ottawa, pour assister à l'atelier en profitaient pour visiter le Musée canadien de la guerre. Nous avons donc pensé combiner nos ateliers et les activités offertes au Musée de la guerre, et présenter nos ateliers au Musée. C'est ce que nous avons fait. Nous avons mis en place une collaboration avec le Musée canadien de la guerre. Nous y donnons nos ateliers, et les visiteurs peuvent ainsi découvrir les dossiers de service tout en admirant des artefacts de ces guerres.

    AA : Quelle merveilleuse idée! N'avez-vous pas dit aussi que vous travailliez de concert avec les bibliothèques publiques?

    KB : En effet, nous avons également mis en place des ententes avec des bibliothèques publiques. Au début, nous en comptions quatre et nous voulions vraiment créer un réseau national. Nous avons conclu des ententes avec des bibliothèques publiques en Colombie-Britannique, en Ontario et au Manitoba. Durant la seconde année de notre projet d'expansion, si je ne me trompe, nous avons ajouté la Nouvelle-Écosse et l'Alberta, et d'autres établissements en Ontario et en Colombie-Britannique. C'était vraiment très stimulant parce que les enseignants se rendaient dans des bibliothèques publiques de leur collectivité pour découvrir la vie de soldats issus de leur milieu. Cela dit, ils se sentaient étroitement liés à ces militaires.

    AA
    : Donc, le projet a vraiment pris une tournure pancanadienne, il s'est ramifié, n'est-ce pas?

    KB : Oui, exactement. C'est vraiment exaltant parce que, selon moi, le projet vise à explorer la vie des soldats et à découvrir directement les récits d'une personne que vous connaissez, qui a vécu dans votre milieu. Pour bien des personnes, c'est une expérience très touchante. Autre fait intéressant, beaucoup de soldats, vous savez, n'avaient que 18 ans, et certains ont triché sur leur âge alors qu'ils n'avaient que 16 ou 17 ans et ils ont fait des sacrifices énormes. Les élèves ont sensiblement le même âge que les soldats faisant l'objet des recherches.

    AA : Voici maintenant Blake Seward, fondateur du projet Nous nous souviendrons d'eux et récipiendaire de nombreux prix, y compris le Prix d'excellence du Gouverneur général en enseignement de l'histoire canadienne. Blake nous raconte les débuts du projet et les incidences sur les participants.

    Blake Seward : En fait, j'étais à une réunion de famille et on m'a demandé de parler de mon grand-oncle et de dire ce que je pensais de lui parce que je suis professeur d'histoire, et je ne savais rien de mon grand-oncle. J'en étais médusé, je ne savais rien de l'histoire d'un membre de ma famille et j'ai décidé de corriger cette situation. Pendant que je feuilletais le dossier de service de mon grand-oncle, j'étais de plus en plus convaincu que ce serait une expérience fascinante pour les élèves, consulter des sources primaires et ainsi démystifier la vie des soldats dont le nom figure sur des cénotaphes. Comme j'approfondissais mes recherches sur mon grand-oncle, je me suis rendu sur le cénotaphe et j'ai noté les noms qui y sont inscrits et j'en ai remis un à chacun des élèves dans ma classe de 10e année en histoire. Nous avons commandé les dossiers et, à l'époque, en 2001, il nous a fallu nous rendre à Bibliothèque et Archives [Canada] ici, rue Wellington, et réserver une salle de conférence. Nous avons été la première classe de niveau secondaire à y aller et à consulter les dossiers de service des soldats dont le nom est gravé sur le cénotaphe à Smiths Falls. Et le résultat a été que les élèves ont adoré tenter de dévoiler des mystères et comprendre le contenu des dossiers. À compter de ce moment-là, il y a eu de plus en plus d'intérêt à Bibliothèque et Archives [Canada] à concevoir un produit qui pourrait servir aux écoles du pays. Voilà un des plus grands secrets de Bibliothèque et Archives [Canada], j'ai toujours cru que tous les chemins mènent aux archives, voulant dire ici qu'il y a tellement de collections qui revêtent une valeur éducative exceptionnelle. Permettre à des jeunes de venir et de fouiller dans les dossiers, avec précaution, en tentant de réunir les pièces du casse-tête. Prenez par exemple, un soldat qui a contribué à l'histoire, mais dont le souvenir s'est perdu, il passe maintenant du souvenir à l'histoire. En le ramenant dans l'histoire, nous lui redonnons vie. Permettons aux jeunes d'explorer, de créer et de rédiger une biographie de sorte que la personne, le soldat, réintègre sa place dans notre mémoire vivante.

    AA : Donc, les élèves peuvent rédiger la biographie de ces soldats, comme un essai?

    BS : Pour ma part, j'aime l'idée que les élèves rédigent des essais en s'assurant qu'ils sont à la hauteur des normes, car il se peut que les essais soient publiés. De plus, vous écrivez un chapitre de l'histoire qui, en général, a probablement été oublié depuis longtemps par la collectivité et, par le fait même, par le pays.

    AA : Kyle, pouvez-vous nous dire ce qu'on fait à Bibliothèque et Archives Canada pour rendre ces dossiers de service plus accessibles?

    KB : Eh bien, vous savez, à BAC, il y a une importante initiative en cours appelée « numérisation sur demande » qui est, selon moi, vraiment remarquable. En bref, si quelqu'un commande un dossier qui n'est pas déjà disponible en ligne, le dossier numérisé devient alors une partie de la collection nationale affichée sur le site Web. Bien entendu, la numérisation aide à la préservation et à l'accessibilité. Une grande partie du travail consiste à numériser de nombreux dossiers touchant la Première Guerre mondiale et la Deuxième Guerre mondiale et, à l'heure actuelle, nous avons plus de 5 000 dossiers de la Première Guerre mondiale et plus de 500 de la Deuxième Guerre mondiale portant sur les personnes tuées au combat, ce qui est vraiment surprenant. Je me dois aussi de mentionner que nous nous affairons actuellement à numériser tous les 44 000 dossiers de service des soldats tués au combat durant la Deuxième Guerre mondiale et, fait tout aussi frappant, par exemple, certains des dossiers comptent des centaines et des centaines de pages. Nous parlons donc d'une merveilleuse ressource pour les élèves et les enseignants.

    AA : Je vous présente maintenant Kaitlin Normandin, un commis aux dossiers du personnel à Bibliothèque et Archives Canada. Elle nous parlera de la richesse des renseignements que l'on trouve dans ces dossiers et de leur importance pour nous.

    Kaitlin Normandin : L'importance des dossiers est étonnante, à l'école, on vous enseigne les pertes qu'a essuyées le Canada durant la Deuxième Guerre mondiale. Les statistiques sont impersonnelles, mais tout change lorsqu'on comprend que derrière ces chiffres, il y a une personne qui avait un chez-soi et une famille, des passe-temps et une personnalité. Lorsque vous lisez ces dossiers, vous ressentez qu'un lien profond s'établit avec ces personnes, un peu comme si vous les connaissiez, il pourrait s'agir d'un de vos proches ou de quelqu'un que vous aimeriez ou avec qui vous aimeriez vous tenir. C'est différent pour chacun de mes collègues, nous sommes touchés différemment et nous nous faisons une carapace sinon nous perdrions la raison. Par exemple, un des employés a un garçon et les lettres des mères le touchent profondément. Quant à moi, ce sont les mères et les pères qui n'ont jamais su ce qui était arrivé à leurs fils, ils ont simplement été portés disparus et leur corps n'a jamais été retrouvé. Les parents n'acceptent pas que leurs fils soient partis et ils persistent à croire qu'ils sont vivants. Cela me bouleverse chaque fois.

    AA : Je vois que vous avez apporté une lettre; pouvez-vous m'en parler un peu?

    KN : Bien entendu, un pilote allemand a écrit cette lettre à l'intention de la famille d'un homme dont l'avion avait été abattu par l'ailier [allemand] de l'auteur de la lettre. Elle a été écrite pour la famille, après la guerre, en 1947.

    [Elle commence à lire la lettre] Le 26 mars 1947

    Au rédacteur adjoint,

           Commandant d'escadre, Réserve des volontaires de la Royal Air Force (RAF)

    Je vous prie de me pardonner si j'écris en allemand, mais, étudiant, je n'étais pas très bon en anglais [la présente est une traduction de l'anglais], pas assez pour vous dire tout ce que j'ai à raconter. Cette lettre vient du cœur et je ne vois aucune autre façon de vous transmettre des renseignements assurément intéressants pour vous et susceptibles d'apporter un certain bonheur aux personnes visées. Vous serez donc gentils de faire traduire cette lettre et de la lire. Je serais bien sûr heureux de recevoir une réponse.

    Tom Thompson
    : [D'une voix basse, masculine, lisant la lettre] Le 20 mars 1943, entre 15 h 23 et 15 h 45, j'étais engagé dans un combat aérien avec un chasseur de la RAF au large de la côte sud de la Sicile et je n'ai jamais pu l'oublier. Mon opposant était un homme remarquablement brave et je n'en ai retiré par la suite aucun sentiment de triomphe, mais j'avais plutôt l'impression d'avoir tué un ami. Je vous raconte ce qui est arrivé. À l'époque, j'étais détaché, avec mon escadron, à San Pietro, en Sicile. J'étais un jeune lieutenant et mon premier vol opérationnel remontait à l'automne de 1942, en Afrique. J'étais reconnu pour être un « habitué » qui avait pris part à la campagne en Afrique et je pilotais toujours un ME 109 G, avec un ami de mon enfance que j'avais rencontré en Afrique. Lui aussi était lieutenant et avait 21 ans, j'en avais 22. Le jour en question, l'alerte est donnée. Les conditions climatiques sont très défavorables. Nous décollons tous deux à 15 h 23 et atteignons la côte rapidement, heureux de nous éloigner du mauvais temps. Nous grimpons encore et après cinq minutes de vol, nous voyons, en dessous de nous à une altitude variant entre 500 et 300 mètres, un seul Spitfire, il ne nous a pas remarqués. Nous comprenons immédiatement que le pilote fait des cercles, en basse altitude, au-dessus de la mer, à deux ou trois kilomètres de la côte ennemie. Apparemment, un membre de sa formation s'est écrasé en mer. Bernd attaque immédiatement, mais le Spitfire s'esquive si rapidement que l'attaque ne porte pas. Je dois expliquer que Bernd comptait déjà à son actif vingt-sept avions « abattus » et il était sur la bonne voie pour devenir un « as » exceptionnel. L'engagement se poursuit un certain temps. Je n'ai pas tiré sur le Spitfire, mais j'ai couvert les arrières de mon ami. La réputation du Spitfire en matière de manœuvrabilité ne détrompe pas et notre ennemi inconnu tire son épingle du jeu. Il échappe habilement à chacune de nos attaques, demeurant de 50 à 100 mètres en dessous de nous. Il suit toutes nos vrilles et nos esquives, nous mettons en scène un beau spectacle. Il n'a pas pensé se dégager et se cacher dans les nuages qui formaient un épais rideau avant la côte, à seulement un ou deux kilomètres plus loin. Après 15 minutes, nous avions été frappés à quelques reprises, mais nous étions incapables de le rattraper. Il faisait chaud dans le cockpit tous les moteurs tournant à plein régime. Le soleil impitoyable nous aveuglait et nous étions fatigués. Nous étions sur le point de mettre fin à l'engagement, car notre réserve en carburant s'épuisait et nous nous demandions comment nous allions pouvoir retourner à la base. À ce moment précis, toutefois, le Spitfire s'est faufilé derrière nous et nous avons compris la menace qui nous guettait. Nous ne faisions pas face à un novice, mais plutôt à un pilote compétent qui était bien décidé à mettre fin au combat, d'une manière ou d'une autre. Entretemps, nous nous étions rapprochés des nuages. Le Spitfire était à la même altitude que nous et nous le devancions de 500 à 600 mètres. Nous savions que quelque chose allait arriver. Le Spitfire aurait pu disparaître dans les nuages, ce qu'il n'a pas fait!! Soudainement, il volait dans notre direction avec la nette intention de tirer sur l'un de nous. Une habile esquive, j'étais tellement surpris que j'en ai oublié de tirer, mais Bernd a fait feu une fraction de seconde avant le pilote du Spitfire qui est entré de plein fouet dans les flammes et a, incontestablement, été frappé sur le coup. Le Spitfire est passé à 50 mètres de moi et je l'ai vu, en perte de contrôle, se disloquer et plonger dans la mer sans prendre feu. Des vagues se sont élevées bien haut, comme un mémorial que l'inconnu aurait lui-même érigé pour souligner la fin de sa vie. Ensemble, elles ont formé un tourbillon et se sont repliées et ont refermé le passage laissé par l'avion. Tout de suite après, nous avons survolé le point d'impact, à seulement quelques mètres au-dessus de la surface de l'eau, il ne restait aucune trace. Épuisés et en silence, nous sommes retournés à la base, nous venions de vivre une expérience marquante. Qui pouvait bien être cet homme? Quel âge avait-il? De quoi avait-il l'air? Lorsque Bernd s'est extirpé de son avion, il était très calme et avare de ses mots, sauf « Viens Heinz, prépare-toi vite, ils essaieront de le récupérer, nous devrons repartir très bientôt ». Dix minutes plus tard, nous étions de retour dans les airs et avons dû nous mesurer aux camarades de notre ennemi (de huit à dix Spitfire). De toute évidence, ils avaient perdu un chef exceptionnel. Nous faisions l'objet d'un tir nourri, mais nous en avons descendu deux. La guerre avait ses propres volontés et nous vivions au jour le jour. Des années ont passé et je n'ai jamais oublié cet homme. Qui avait-il laissé dans le deuil? Qu'était-il advenu de Bernd? Le 2 mai de la même année, après trente-cinq victoires aériennes, il s'est fait descendre en Méditerranée et son corps repose dans le même lieu que son plus vaillant opposant. Ce fut son combat le plus ardu et le plus valeureux. On m'a tiré dessus quatre jours avant la mort de Bernd et suis demeuré quatre jours dans la Méditerranée. Il me fallait continuer à combattre sur différents fronts, j'ai essuyé des tirs à maintes reprises et j'ai aussi fait feu sur l'ennemi. Je suis parmi les rares qui sont retournés chez eux; nous deux, Bernd et moi, étions Autrichiens, mais nous étions des soldats et avons rempli notre devoir. Nous aurions tellement aimé être vos amis et voler en votre compagnie. Et maintenant ma demande : vous est-il possible de trouver qui était cet homme et de jeter dans la mer cette couronne de fleurs, bien que tardivement, au nom de son ancien rival. Je suppose que, selon la RAF, cet aviateur est porté disparu, car je suis le seul témoin du combat à être encore en vie. Vous seriez gentil de transmettre cette lettre à ses parents ou connaissances et amis; peut-être qu'un des membres de son unité de la RAF est encore vivant? Je serais tellement heureux si mon souhait pouvait être exaucé. Vous êtes libre de publier ma lettre.

    J'espère que vous comprendrez ma position en tant que pilote et que vous ne trouverez pas ma lettre impertinente. Je ne cherche pas à obtenir des faveurs ni à me donner de l'importance; ma demande n'est motivée que par mes sentiments. En conclusion, je serais heureux de recevoir une réponse et j'espère que ceux qui ont aimé ce remarquable pilote seront, grâce à ma lettre, libérés d'une pénible incertitude. Il n'a pas été vaincu par le dernier des adversaires, puisque Bernd aussi était une personne remarquable, on compte bien peu d'êtres de sa trempe dans le monde. Ces mots apporteront toutefois bien peu de réconfort. La perte de notre adversaire n'en est pas moins amère.

    Signé, Heinz

    KN : Dans le cas de bien des gens, ils tentent de trouver une façon de concilier la personne qu'ils étaient durant la guerre et la personne qu'ils allaient être le reste de leur vie et ils s'interrogent sur les moyens à prendre pour composer avec ces expériences.

    AA
    : Je suppose que rédiger une lettre comme celle-ci peut être salutaire.

    KN : Et je pense que la personne ressent un certain apaisement et peut-être aussi la famille de la personne.

    BS
    : Selon moi, de nombreux historiens s'entendraient à dire que peu d'événements ont influé sur les nations comme la Deuxième Guerre mondiale et la Grande Guerre. Par conséquent, les événements qui ont façonné notre pays doivent sans cesse être rappelés à la mémoire du public de manière à s'assurer que le public comprend le processus de transformation. De plus, ce phénomène prend diverses formes à travers le pays. Je crois que plus les élèves ont accès aux dossiers de la Deuxième Guerre mondiale, plus ces documents deviendront importants, meilleure sera la compréhension de l'importance et de la perspective historiques. Davantage dans une perspective nationale que dans une approche citoyenne, ce sont des éléments relativement essentiels dans notre histoire canadienne. Nous voulons la participation active des citoyens, et cette participation s'acquiert à partir de la compréhension de nos racines, et nos racines sont fondées sur les éléments qui façonnent notre nation. Élaborer un concept de systèmes de valeurs et être capables de comparer les systèmes de valeurs des générations passées avec les systèmes de valeurs actuels et les mettre en opposition, et comprendre pourquoi certaines valeurs demeurent inchangées tandis que d'autres sont différentes. Je crois que c'est une question de point de vue, c'est probablement la chose la plus importante qui ressort de toutes ces démarches, et c'est seulement vous qui pouvez-vous faire une opinion lorsque vous comparez les valeurs et les mettez en opposition. Grâce à la perspective, nous pouvons vraiment, dans le domaine de l'histoire du Canada, tendre vers le passé et l'appliquer au présent, ou prendre le présent et reculer dans le temps afin de mieux comprendre la situation. Je pense que décortiquer ces dossiers de la Deuxième Guerre mondiale est une façon d'y arriver, nous pouvons aussi le faire avec beaucoup d'autres collections gardées ici.

    Donc, parmi les choses intéressantes découlant de toute l'expérience Nous nous souviendrons d'eux, mentionnons l'entrevue avec Mary Lou Findley dans le cadre de l'émission radiophonique de CBC As It Happens. Sierra, une élève, a parlé à Mary Lou du soldat visé par ses recherches, Stephen Arthur Mansfield, et des problèmes qu'elle avait à trouver des renseignements, de la parenté et d'autres données de ce genre. Nous n'avions en main qu'un seul élément de départ, une photographie étrangement cadrée mesurant quatre pouces de large sur onze pouces de haut. Le lendemain de notre entrevue à l'émission As It Happens, j'ai reçu un appel téléphonique dans ma classe, et la secrétaire m'a dit qu'il y avait un homme en ligne pour moi. J'ai donc pris l'appel, la personne était sur la route et me parlait à partir de son cellulaire, dans les débuts des cellulaires, et il a dit : « J'ai écouté As It Happens, je pars de Montréal. C'est mon grand-oncle, je ne sais rien de lui, je dois parler à l'élève ». Nous avons donc réservé une salle à l'école secondaire et l'homme est arrivé. Il n'avait apporté qu'un petit dossier. Il s'est assis et pendant une heure et demie, cet homme et Sierra (l'élève) ont eu une conversation très émotive, pleurant beaucoup. Ils tentaient de recoller les morceaux. À la fin du dossier se trouvait l'autre moitié de la photographie. C'était la photo de mariage du soldat, ce qui explique pourquoi la photo était aussi étrange. Lorsque son grand-oncle est mort, sept jours avant la fin de la guerre, le 4 novembre 1918, sa nouvelle épouse a déchiré la photographie. Elle a déménagé à Montréal et laissé la moitié de la photo arborant son mari à Smiths Falls. La photo était étrange parce qu'on voyait l'homme mettant en valeur son alliance. Nous avons donc vécu un moment fort spécial lorsque nous avons recollé les deux moitiés et elles s'agençaient parfaitement. Par la suite, nous avons numérisé les deux morceaux, maintenant réunis, et avons donné au visiteur l'autre moitié de la photographie. Il était tellement reconnaissant à l'idée qu'une élève de 10e année âgée de 15 ans ait agi de la sorte. Quant à lui, plein de possibilités s'offrait à lui maintenant.

    KN : Selon moi, il est important que ces éléments soient mis à la disposition du public, parce que nous disons, chaque jour du Souvenir, que nous devons nous rappeler les sacrifices de nos semblables et qu'il faut leur être éternellement reconnaissants. Mais je pense que les gens ne savent pas vraiment ce que cela veut dire. Vous ne le savez vraiment qu'après avoir lu sur ces personnes et compris les coûts humains associés à la Deuxième Guerre mondiale et à la participation du Canada. Je crois qu'il faudrait lire sur ces personnes, plus particulièrement si nous étions en temps de guerre parce que nous comprendrions alors qu'il ne s'agit pas seulement de la mort de combattants, mais on parle aussi de la fin de leurs espoirs, de leurs rêves, des projets qu'ils avaient échafaudés. Dans une certaine mesure, les retombées se font encore sentir aujourd'hui. Les membres des familles ont poursuivi leur vie, des enfants ont grandi sans leur père, des maris ne sont jamais revenus à la maison, ils ont perdu leur grand frère ou leur grande sœur. La Deuxième Guerre mondiale et ses incidences se perpétuent jusqu'à aujourd'hui, il y a un trou qui ne sera jamais comblé.

    AA
    : Donc Kyle, je suis curieuse. Si j'enseigne à Winnipeg dans une classe au secondaire et que je désire participer au projet, qu'est-ce que je fais? Où est-ce que je vais? Par quoi dois-je commencer?

    KB : C'est une excellente question et, vous savez, les enseignants ont de nombreuses possibilités.
    Le plus simple est de consulter d'abord notre site Web. Vous accédez donc au site Web de Bibliothèque et Archives Canada sous la rubrique Nous nous souviendrons d'eux. De là, vous avez amplement le choix des ressources. Par exemple, un grand nombre de dossiers numérisés sont accessibles gratuitement. Pour amorcer la recherche, je recommande de consulter les dossiers et les renseignements qui s'y trouvent, cela se fait en direct. Afin de participer à un atelier présenté par l'un de nos partenaires, comme le Musée canadien de la guerre ou une bibliothèque publique, nous pouvons diriger les personnes vers ces ressources. Les enseignants peuvent aussi, s'ils le désirent, donner l'atelier eux-mêmes de manière autonome dans leur propre salle de classe.

    AA : Ce projet peut donc se faire de manière autonome?

    KB : On peut télécharger des dossiers numérisés, ainsi qu'une trousse fort complète à l'intention des formateurs, et ce, sans frais. La trousse comprend notamment des vidéos explicatives afin de mieux comprendre les dossiers, un guide du formateur et des manuels pour les étudiants. C'est un outil fantastique!

    AA : Pour les enseignants, ce sont des ressources exceptionnelles.

    KB : Oui et tout est gratuit.

    AA : Merveilleux, merci infiniment Kyle de votre présence ici aujourd'hui et de nous avoir parlé du projet Nous nous souviendrons d'eux.

    KB : Bien, merci à vous.

    AA : Les personnes qui manifestent de l'intérêt envers le projet Nous nous souviendrons d'eux ou qui désirent consulter les dossiers de service de militaires de la Première Guerre mondiale ou de la Deuxième Guerre mondiale, sont priées de visiter notre site Web à l'adresse www.collectionscanada.gc.ca/cenotaphe.

    Merci d'avoir été des nôtres. Ici Angèle Alain, votre animatrice. Vous écoutiez Découvrez Bibliothèque et Archives Canada — votre fenêtre sur l'histoire, la littérature et la culture canadiennes. Je remercie nos invités d'aujourd'hui, Kyle Browness, Blake Sewardet Kaitlin Normandin.

    Pour plus d'information sur nos balados ou si vous avez des questions, commentaires ou suggestions, veuillez nous visiter à www.bac-lac.gc.ca/fra/nouvelles/balados.

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